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LA TIMES, Sunday Opinion Section
November 17, 2002

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Translation compliments of Fabrice-Poiraud-Lambert

ENVIRONNEMENT
Un désastre sournois sous les vagues
Par Randy Olson

Une nouvelle expression est apparue dans la communauté des environnementalistes. Elle semble ésotérique, du genre que l'on peut classer dans la catégorie des choses que l'on n'a pas réellement besoin de comprendre, que l'on peut laisser aux spécialistes.

Cette expression est « changement des états de références » (« shifting baselines » en anglais), et vous devez la connaître, car ce changement des états de référence affecte votre qualité de vie quotidienne. Le changement de ces états de références est un phénomène chronique, lent, un changement des choses difficile à voir, de la disparition des oiseaux et des grenouilles dans les terres, à l'augmentation du temps nécessaire pour aller en voiture du Nord au Sud de Paris. Si votre poids idéal, qui était de 80 kg, est maintenant de 85 Kg, votre état de référence (et votre tour de taille) a changé.

Cette expression a été inventée par le Biologiste Daniel Pauly, spécialiste de la pêche, en 1995. Il s'agissait d'une expression dont nous avions apparemment besoin, car elle s'est propagée depuis à de nombreuses autres disciplines. Elle a été appliquée à l'analyse de nombreux sujets, de la détérioration des villes à la détérioration de la qualité des loisirs.

Pour les environnementalistes, un « état de référence » est une « norme » importante pour mesurer la santé d'un écosystème. Elle fournit des informations que l'on peut comparer pour évaluer les changements. Du moins, c'est ainsi que les choses étaient jusque là. Cela pouvait être par exemple des prairies herbeuses remplies de buffles, les marécages de Floride envahis d'oiseaux, ou les rivières du Nord-Ouest bourrées de saumons. Dans un monde idéal, l'état de référence pour chaque habitat devrait être l'état de cet habitat avant que l'homme n'influence sensiblement dessus.

Si nous connaissons l'état de référence d'un écosystème dégradé, nous pouvons travailler pour le restaurer. Mais si cet état de référence a déjà changé avant que nous ayons une chance de le mesurer, alors nous pouvons arriver à considérer comme normal, voire amélioré, un état dégradé.

Le nombre de saumons dans la rivière Columbia du pacifique Nord-Ouest est aujourd'hui deux fois plus élevé que dans les années 30. Cela semble une bonne nouvelle. si les années 30 sont votre état de référence. Mais la population de saumons de la rivière Columbia dans les années 30 représentait seulement 10% de ce qu'elle était dans les années 1800. En 1930, les chiffres reflétaient un état de référence qui avait déjà changé.

C'est contre cela que la plupart des organisations environnementales se battent actuellement. Elles essayent de décider entre : A quoi voulons nous que la nature ressemble dans le future ? et, plus important : A quoi la nature ressemblait dans le passé ?

Ces questions sont particulièrement importantes à se poser à propos des océans, ce qui constitue mon principal domaine d'intérêt. L'année dernière, Jeremy Jackson, de l'institut d'Océanographie Scripps, à révélé le problème publiquement dans un article scientifique qui a été sélectionné par le magazine Discover comme étant la plus grande découverte de l'année.

Jackson et ses 18 co-auteurs ont rassemblé des données de toute la planète avant d'affirmer que la sur-pêche a été la plus grande altération des océans durant les 1000 dernières années. De plus, l'homme a eu des effets tellement forts sur les océans, depuis si longtemps, que dans beaucoup d'endroits, il est difficile ne serait-ce que d'imaginer à quel point la vie a été présente dans les océans.

L'une des plus grandes préoccupations des scientifiques tient dans le fait que les états de référence ont changé pour de nombreux écosystèmes sous-marins. Cela signifie que des personnes visitent actuellement ces environnements côtiers dégradés, et les qualifient de « magnifiques », sans se douter de ce qu'ils étaient avant.

Les gens plongent de nos jours dans les forêts de kelp sous-marines de Californie, désormais dépeuplées des Giant sea bass (Stereolepis gigas), des Broomtail grouper (Mycteroperca xenarcha) et des California sheephead (Semicossyphus pulcher) qui les remplissaient. Ces personnes remontent à la surface avec de grands sourires, car c'est toujours une expérience visuelle stupéfiante de plonger dans ces forêts de Kelp. Mais la seule chose que les vétérans pensent est : « vous auriez dû voir ça autrefois ».

Sans la connaissance de nos ancêtres, il est facile pour chaque nouvelle génération d'accepter des états de référence qui ont changé, et de ne rien trouver à redire à propos des forêts de Kelp vides et des récifs coralliens. Voilà pourquoi il est si important de documenter comment les choses sont, et comment elles étaient.

Il existe un désaccord sur l'avenir des océans. Certains biologistes marins déclarent qu'avec la disparition des espèces désirables, seules les plus résistantes et les moins désirables vont persister, vraisemblablement les méduses et les bactéries, en fait les rats et les cafards de la mer. Ils illustrent leurs propos d'exemples : la mer Noire, la mer Caspienne, et souvent quelques zones de le baie de Chesapeake. Les méduses et les bactéries sont à peu près tout ce que vous y trouvez.

Nous nous sommes désormais habitués à une nouvelle expression : « explosion de méduses » (« jellyfish bloom » en anglais, comme nous parlerions d'une « explosion d'algue » NdT), qui est utilisée pour décrire une augmentation soudaine du nombre de méduses dans une zone. Ce phénomène est devenu suffisamment commun pour qu'un symposium international se tienne à ce sujet en 2000. Au même moment, d'autres types d'animaux marins sont en plein déclin.

Il est facile de ne pas voir les changements dans l'océan. C'est grand et profond. Mais parfois, si des études ont été réalisées à propos de la même tendance océanique et dans le temps, nous avons un aperçu d'une image très perturbante. Dr Jackson, de l'Institut Scripps, a par exemple documenté la disparition presque totale de l'écosystème sur lequel il a construit toute sa carrière : les récifs coralliens de Jamaïque : « Virtuellement, il ne reste rien des communautés diverses et vibrantes que j'ai aidé à décrire dans les années 1970 », dit-il. « Entre la sur-pêche, le développement côtier, et le blanchiement du corail, l'écosystème s'est transformé en des monticules de coraux morts couverts d'algues, dans une eau sombre ». Rien que vous ne voudriez mettre sur une carte postale.

L'année prochaine, deux rapports majeurs seront publiés à propos de l'état des océans : le « rapport sur les océans » par la Pew Charitable Trusts, et le rapport du U.S Oceans Commission. En avant-première sur ces deux rapports, les nouvelles ne seront pas bonnes.

Le dernier grand rapport U.S sur les océans date d'il y a 30 ans. Ce rapport alertait : « il existe un risque de déclin sévère des océans ». Les rapports à venir concluront que les océans subissent actuellement un déclin sévère.

L'institut Scripps de conservation des océans et la SurfRider fondation organisent une campagne médiatique majeure pour le début de l'année prochaine afin d'attirer l'attention sur le sort global des océans et le problème de changement des états de référence. Les solutions sont déjà connues : nous devons prendre soin de l'environnement et travailler pour empêcher son déclin. Des centaines d'organisation environnementales ont des plans d'action afin d'atteindre ces objectifs. La seule chose dont ils manquent est un support massif.

Les océans sont sous notre responsabilité globale. Nous devons tous nous poser les questions suivantes : a quoi ressemblaient-ils ? que mettons-nous dedans ? D'où viennent ces poissons que nous mangeons ? est-ce que mes préférences alimentaires participent à mettre la santé des océans en danger ?

Et, dans une veine plus philosophique, nous devrions considérer les changements d'états de référence dans nos propres vies, examiner comment et où nous avons diminué nos standards au point que nous acceptons des choses que nous aurions considérées comme inacceptables. Notre environnement a clairement souffert de l'accroissement de notre accoutumance aux changements des états de référence. Je suspecte que nos vies ont aussi souffert d'autres manières.

Randy Olson est réalisateur de films et membre de la faculté de biologie marine de l'USC.